MAI 68 et ses vies ultérieures Kristin Ross

MAI 68 et ses vies ultérieures Kristin Ross (Agone) 2002 Chigago, 2005 Bruxelles en français, réédition 2010

 

Voilà le travail d’une spécialiste américaine de la culture politique française qui remet les pendules à l’heure et qui complète parfaitement l’ouvrage de Michael Christofferson « Les Intellectuels contre la gauche » qu’elle cite.

Si l’on en juge par les politiques menées à la fois par la gauche et par la droite de 1981 à nos jours, un fil conducteur les traverse : la trahison des espoirs déclenchés par les grèves de mai-juin 68 et l’avènement de la mondialisation ultralibérale dont nous subissons les effets au quotidien.

Kristin Ross nous remet en mémoire les retournements de veste des ex-mao-spontex qui agrégèrent les palais dorés, devinrent directeurs de journaux, encouragèrent le drawdelomisme en reniant les valeurs et la défense de la classe ouvrière et des salariés en général.

Les plus célèbres se déclarèrent « nouveaux philosophes ». Philousophes  serait plus véridique. Illuminés par « L’archipel du Goulag » de Soljenitsyne ils se convertirent à un anti-totalitarisme virulent, dans lequel ils noyèrent toutes les valeurs qui avaient fait descendre dans la rue des millions de travailleurs, d’étudiants et de lycéens.

Ils en arrivèrent, vingt ans après les faits, à déclarer sur les étranges lucarnes qui sont leur seule raison d’être « qu’il ne s ‘était rien passé en Mai 68 ». Juste une petite fièvre de la jeunesse.

C’est nier et se renier. Nier que des grèves avaient déjà fait du bruit dès 1967, que la grève de mai-juin, fut la plus longue de l’Histoire de la classe ouvrière française, que déjà, les travailleurs en lutte sentaient que la « modernisation » de notre économie allait se faire à leur détriment et qu’ils désiraient être associés aux décisions.

Partage des responsabilité, droit à la parole, co-gestion, droit de regard sur la stratégie de la direction, choix économique, partage des bénéfices tels étaient les thèmes qui revenaient dans les A.G. des entreprises où quelques militants étudiants allaient écouter, parfois intervenir en soulevant des questions pas toujours très clairement exprimées, tétées aux penseurs marxisant plus ou moins bien digérés.

Reniement de tout cela par les "anciens" patentés, labellisés et exclusivement invités par les télévisions.

Pour retrouver un tel enthousiasme, une telle volonté de lutte, il faudra attendre 1995 qui se termina par la démission de Juppé, et par les manifestations de 2010 qui eurent une ampleur dont on attend les conséquences dans les mois à venir.

Les BHL, Glucksmann, Finkielkraut, Ferry, Bruckner, Brauman, July, Cohn-Bendit, Kouchner, Ronsanvallon et j’en passe, autant "d’enfoirés" devenus « petits-marquis » et piètres penseurs.

A une exception près, tout ce beau monde a appelé à voter « Oui » au referendum sur cette caricature de Constitution libérale européenne. On voit combien ils sont proches du peuple, proches des électeurs, au fait du quotidien de la majorité des français, voire des européens.

Les mêmes, à une exception, étaient favorables à l’intervention bushienne en Irak reposant sur des mensonges fabriqués et qu’on me signale ceux qui s’en sont repentis.

Or, en Mai 68, ce qui motivait les étudiants en particulier, c’était la lutte contre l’Impérialisme U.S. totalement empêtré dans la guerre du Viet-Nam qui recevait 10.000 t de bombes par jour. Cela dans la continuité de la guerre que nous avions menée en Algérie et qui s’était terminée en 1962.

Une bonne partie de ceux qui défilaient dans les rues de nos villes avaient participé à cette guerre ou avaient eu des frères aînés qui y avaient perdu une partie de leur âme.

Si l’on en juge par les affiches sorties de l’Atelier populaire des Beaux-Arts, toutes ces affiches portaient des valeurs revendicatrices politiques, non seulement pour les jeunes mais pour la société en sa totalité. Oh ! L’horreur ! J’ai usé du mot « totalité ». Je suis donc un totalitaire à fusiller sur le champ du papier.

L’anti-communisme primaire de ces jeunes loups de la société du spectacle leur a servi de liant. Ils se croient des phares alors qu’ils ne sont que les lumignons.

Leur drawdelomisme s’arrête d’ailleurs aux portes des intérêts états-uniens qui peuvent quasiment tout se permettre, y compris de légaliser la torture, de maintenir cette honte de Guantanamo, de mettre en coupe réglée les républiques de l’Amérique latine.

Mais qu’Israël se comporte en « état voyou », écrasant sous les bombes la bande Gaza, faisant des palestiniens des « sous-hommes », jouant la plus formidable partie de go de l’histoire de l’humanité en rendant impossible un état palestinien par la poursuite des colonisations, et aussitôt, la bande à BHL alerte les médias et hurle à l’antisémitisme, au retour du nazisme, mettant en difficulté les israéliens partisans de la Paix et prêts à négocier avec leurs voisins, car il y en a encore quelques-uns.

Tiens qui sait si "Médecins sans frontières", ces nouveaux pères blancs, intervient à Gaza ?

Pour compléter nos souvenirs de joli printemps, lire ou relire :

Martine Storti : « Un chagrin politique » 1996 ;

Serge Halimi : « Les nouveaux chiens de garde » 1997

Guy Hocquenghem : « Lettre à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary 1986 réédité en 2003.

Un jour, je vous reparlerais peut-être des luttes des années 70.