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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 17:37

 

   En juin 2008, nous sommes allés en Sardaigne en passant par la Corse que nous connaissons bien, et qui demeure pour nous, l’Île de Beauté.

La traversée Bonifacio – Santa Teresa di Gallura, avec camping-car et deux personnes, vu le nombre de miles parcourus doit compter parmi les passages maritimes les plus chers du monde, en partie à cause des taxes portuaires.

 

Sortie du port de Bonifacio

Les Bouches de Bonifacio sont ventées. Ce qui nécessite d’avoir le pied marin. Ce jour-là, les creux n’étaient que de 2,5 mètres environ par le travers. Il est assez plaisant de voir l’horizon céder la place à l’azur du ciel pour retomber dans le bleu noir et vert d’une mer croisée. Les falaises de Bonifacio dansent en s’amenuisant à l’horizon et petit à petit la côte sarde se rapproche. Les vagues moussent sur les rochers ocres. Un dauphin saute devant l’étrave en une courbe scintillante, puis disparaît. Un couronnement de maisons neuves, cernent le port qui s’enfonce, lui aussi, comme celui de Bonifacio dans un couloir profond encombré de petits immeubles, de commerces et de restaurants, bien à l’abri des courants de grand air. 

 

 

Les routes sardes sont mieux entretenues, plus larges, moins dangereuses que les routes corses qui relèvent de l’aventure permanente et de la roulette russe. Certes, il peut y avoir un animal errant, mais c’est rare, à l’exception d’une tortue d’Hermann que nous avons failli écraser et que nous sommes allés reporter dans l’herbe et d’un troupeau de chèvres à poil long plus ou moins surveillées par un berger.

La Sardaigne est moins haute que la Corse, mais possède aussi des passages de grande solitude avec maquis et pâturages d’altitude. Dans sa partie sud, on y rencontre une vaste plaine cernée de montagnettes bleutées avec cultures céréalières et industries diverses. Les côtes plongent dans une mer bleue de Prusse, ce qui prouve, une fois de plus, combien les européens du Nord sont attirés par ces eaux dont la température varie en juin entre 22° et 25°C, ceci expliquant cela.

 

 

Cap Caccia où se trouve la grotte de Neptune

 

Nous aurions pu camper en « sauvage » presque tous les jours, compte tenu de l’impression de sécurité que nous avons toujours rencontrée y compris en ville. Mais les campings possèdent aussi leur charme, surtout au printemps, quand ils ne sont pas encore surchargés. On y trouve des self-services, soit à l’intérieur, soit à proximité.

Le plus amusant, quand on parle un peu la langue de Dante et de Monica Belluci, c’est de s’arrêter devant un étal de vente directe de légumes et de fruits produits au pays. C’est moins cher qu’en France et de meilleure qualité. Cela équilibre un peu le prix du carburant qui, à ce moment-là, grimpait aux rideaux des bourses de cotation et enrichissait de « braves spéculateurs » et fonds souverains.

 

Nous nous sommes hissés jusqu’à Tempio Pausania qui domine sa plaine et offre quelques belles vues. Maisons de granit rose. Dôme solide comme un château fort. Ceinture de pavillons neufs. Sassari est assez impressionnante, pas très propre, encombrée et somme toute décevante. Quelques arbres jaillissent de pâtés de maisons, quelques encombrements, l’on aspire au grand large de la nature à peine a-t-on abordé les premières rampes qui mènent vers son oppidum aux ruelles inaccessibles pour un « camper ».

Alghero l’ibérique, nous a enchantés. La route vers la grotte de Neptune bordée de lauriers roses ou blancs est une merveille, comme celle, en corniche qui descend vers le sud. Nous avons très bien mangé dans un ristorante une cuisine sarde savoureuse.

 

Alghero

 

Bosa dort sur les rives d'un fleuve qui descend du Lago di Terni et qui en fait le plus grand port fluvial de l'ïle. On y boit la malvoisie.

Borsa                                                      Verre de malvoisie fraîche.

Oristano a été traversé dans la relative fraîcheur du matin. Trop de monde.


Cagliari, c’est un peu Genova, des ruelles qui montent à l’assaut de la colline, des paquebots blancs  ou des ferries décorés de héros de dessins animés que les touristes ont à portée de vue tout en prenant quelque rafraîchissement à la terrasse des cafés sous les arcades. Dôme, musée, banques neuves et modernes, tout le décor habituel des villes européennes développées avec, en prime, à la sortie est, des marais salants d’où s’envolent des flamands aussi rose que le sel des paluds.

 

 

Rue de Cagliari descendant vers le port

 

La remontée vers le nord s’est effectuée par des routes de montagne accrochées à des vallées étroites où coulent des torrents de lauriers multicolores que mouille un filet d’eau. La côte est se révèle parfois difficilement accessible car les falaises tombent à pic dans la Méditerranée. Les sommets des montagnes prennent de l’altitude à l’ouest, et de temps en temps, dans une échancrure de maquis, tout là-bas, scintille la mer. On arrive dans la Barbagia dont la capitale est Nuoro.

C’est peut-être là, en dépit de quelques nouvelles constructions, que réside encore le cœur multi-millénaire de la Sardaigne. Que dis-je ! De la Méditerranée. Quelques femmes, tout de noir vêtues, vont aux courses. Elles sont les sœurs de ces femmes crétoises ou du Péloponnèse rencontrées jadis, et n’ont rien à envier à certaines corses ou maltaises qui n’existent pas seulement que sur les vieilles cartes postales. Hélas, je n’ai pas pris le temps de rester longtemps. Les lazzi que lançait ce commerçant d’Orgosolo assis devant la porte d’entrée de son magasin me sont demeurés incompréhensibles. Il y a du dialecte, ici, comme en Corse, même si la télévision unifie le pays comme partout ailleurs.

 

Route vers la Barbagia

Ne pas rater Orgosolo, qui m’avait été recommandé par un vieux baba-cool sur le ferry qui nous a transportés de Toulon à Ajaccio.

 

 

Les tags y sont  des oeuvres d'art et non des traces de "chiens "délimitant leur territoire

 

En 1950, on y pratiquait encore la vendetta, comme en Albanie et autres pays machistes méditerranéens. Ils se trucidaient joyeusement, prenaient le maquis, se volaient femmes et bêtes, et s’entretuaient. D’autant qu’au lendemain de la Guerre, ils découvrirent que la prise d’otages rapportait plus que le trafic de bestiaux. Un certain Graziano Mesina dit « Rose écarlate » s’est fait une réputation de Robin des bois dans les années 60. 1968 lui fut fatal, on le mit sous les verrous. Mais on le ressortit en 1992 pour aider à négocier la libération de Saudi Farouk Kassam, un gosse de huit ans enlevé sur la Costa Smeralda et retenu en otage près de Siniscola.

 

Attention ! N’allez pas croire que l’on risque sa peau en se promenant ici. C’est redevenu calme. D’autant que les us et coutumes du lieu n’avaient rien à voir avec la Camora, la ‘Ndranghetta, ou la Mafia. Non ! Ce qui, aujourd’hui, fait la réputation d’Orgosolo ce sont les plus de 150 « murales » qui enchantent le Corso Repubblica et donnent autant à réfléchir qu’à jouir esthétiquement. Les thèmes sont liés aux évènements tragiques de notre monde, que ce soient les scandales politico-financiers italiens que Tien An Men, le 11 septembre 2001, la chute de Saddam, l’extermination des Indiens d’Amérique, les risques écologiques, l’émancipation des femmes et autres joyeusetés.

Même le poste des carabinieri est illustré gentiment.

 

          Poste des carabinieri d'Orgosolo

 

Une dérive purement décorative s’est créée comme je l’ai rencontrée sur une façade fraîchement restaurée d’une maison à l’écart du Corso. Si le chatoiement des couleurs et des formes peut enchanter, cela manque de spontanéité et constitue une récupération assez énervante de cet « esprit de Résistance » qui avait animé Francesco del Casino qui fut à l’origine de cette conquête des murs, témoins de la liberté d’expression dans un monde où les médias sont très étroitement contrôlés.

J’ai hâte de voir le film « Bandits à Orgosolo » de Vittorio de Seta, tourné en N&B en 1960 dans la grande tradition du néo-réalisme italien  qui mériterait sûrement une sortie en dvd.

 P1010149


 

Retour presque au point de départ via la Costa Smeralda qui mérite sa réputation de « réserve naturelle de milliardaires » sur initiative de l’Agha Khan qui acheta cette partie de la Sardaigne. 

 

Costa Smeralda

 

Pour visiter Porto Cervo, il y a péage, histoire de dissuader les pauvres d’aller se frotter à la jet-set venue consommer ici le fruit de ses « affaires ». Les rivages sont découpés en criques de sable blanc bordées d’émeraude que rehausse le lapis-lazuli du profond de la mer. Les villas vastes comme des lieux-dits sont noyées dans le maquis, des yachts immaculés attendent le bon vouloir de leurs propriétaires qui tournent autour de la planète et ne viennent là que le week-end comme nous le constaterons le soir de notre départ d’Olbia pour Gênes, le dimanche 22 juin,  jour de la confrontation Italie-Espagne dans le cadre de l’Euro 2008 où nous enregistrâmes un décollage toutes les quatre minutes pendant une bonne heure de moyens courriers et de jets privés.

Le bateau de retour

Premier voyage en Sardaigne. Elle mérite, comme toute autre région d’Italie qu’on y revienne, qu’on y laisse couler le temps, comme à Bosa, où nous découvrîmes la Malvoisie, un vin blanc doux, le vin des chevaliers croisés de jadis en quête d’un peu de douceur entre aventures, chevauchées et découvertes d’un autre monde. Contrairement aux villes d’Italie qui sont nos racines de citadins par les trésors architecturaux et leurs musées, la Sardaigne vaut surtout pour la beauté de ses paysages, la qualité de ses plages, et la gentillesse de ses habitants.

On ne peut rapporter que des « impressions » d’un premier voyage. Connaître la Sardaigne, c’est tout autre chose.

Ce texte est paru dans Circolissimo, le bulletin du Circolo italiano de Rouen

 

 

 

 

 

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commentaires

A
<br /> Pas mal quand même tes photos.<br /> Tu joues les modestes...<br /> André<br /> <br /> <br />
Répondre

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  • Professeur honoraire  et ancien maire adjoint. Centres d'intérêts : philosophie, histoire, politique, voyages, amitié.
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