La paille & le fric, ou le Salon agricole des Gogos

Le Salon de l’Agriculture est un passage obligé des candidats à l’élection présidentielle française, cette monarchie quinquennale si typique.

Imagine-t-on Louis XIV venir taper le cul des vaches, et caresser le paysan dans le sens du portefeuilles ?

Par contre le général De Gaulle y venait promener sa grandeur.

http://www.ina.fr/video/AFE86001142/les-paysans-a-paris-le-salon-de-l-agriculture.fr.html

Cela donne de belles images des petits parisiens qui viennent découvrir la « plus grande ferme » de France. Il est vrai que les animaux qu’on y voit y sont choyés, rien à voir avec les fermes industrielles américaines, allemandes ou françaises.

http://www.youtube.com/watch?v=3eHjbByqJVU

Le salon permet aussi de rappeler, à quelques exceptions près, que la majorité des agriculteurs votent à droite, favorables à Sarkosy, voire, à l’extrême droite. Bravo la FNSEA ! On voit le niveau politique de ces « braves gens », sans doute persuadés que les kolkhoses sont au programme de Hollande ou de Mélenchon, et que la « Madone des Pétochards », Mme de Montretout, les sauvera des peurs qu’ils s’auto-vaccinent dans la solitude de leurs champs.

http://www.leparisien.fr/election-presidentielle-2012/sarkozy-donne-le-coup-d-envoi-du-salon-de-l-agriculture-25-02-2012-1877669.php

Profondément contre Bruxelles qui les accable de normes, de concurrence, de rendements, de contingentements pour éviter les surplus, les paysans sont aussi tout contre, quand il s’agit d’obtenir des aides, des subventions, des tarifs soutenus.

http://www.acturank.com/article10928.html

C’est assez croquignolet de constater que ces « individualistes  forcenés », que ces dénonciateurs anti-communistes militants, que ces antisocialistes acharnés, vivent en partie grâce à la compréhension des états, à la socialisation de leurs propres pertes, aux subventions prélevées sur les impôts de la collectivité.

Je sais bien que la grande distribution les saigne, qu’une partie d’entre eux vivent avec un SMIC, et que chaque jour des petites exploitations disparaissent sans que des jeunes ne puissent les reprendre. La faute à qui ?

Si ce n’est à la politique défendue par la FNSEA depuis cinquante ans, ce lobby infâme qui tient les élus par les c… dans la mesure où ce sont, (de moins en moins) cette catégorie sociale qui « font » les petits maires, et qui a contribué à la « modernisation » du secteur.

http://www.l214.com/elevage-intensif-poules-pondeuses

Agriculture industrielle de quantité maximum, à qualité moyenne, voire médiocre. Place aux gros, malheur aux petits. Vae victis !

Complicité entre les céréaliers, les éleveurs, les producteurs de lait.

La grande distribution et le secteur alimentaire jouent à plein sur les prix de revient européens, et même extra-européens pour appauvrir, casser, assujettir les producteurs français dans une concurrence abjecte contre laquelle, ils devraient se rebeller en s’organisant au niveau européen.

Tu parles ! Plutôt crever que de prendre conscience des malversations d’un système capitaliste dont ils sont à la fois, les premiers défenseurs, et les premières victimes.

http://www.confederationpaysanne.fr/

Pourtant, les consommateurs commencent à en avoir marre de se faire empoisonner par les rejets des camps de concentration d’élevages, porcins, avicoles, bovins ou ovins, par des produits frelatés, des légumes contaminés, des poissons malades et contenant des métaux lourds.

Des perspectives d’agriculture raisonnée ont vu le jour, mais, reniant le Grenelle de l’Environnement, l’actuel Président sortant a déclaré l’an passé que « l’écologie ça suffit ! », marquant ainsi un coup de frein à cette sortie par le haut de l’agriculture ultra-productiviste. Et tous les producteurs de mort lente d’applaudir.

Pas grave ! Sauf quand ils commencent par s’empoisonner eux-mêmes, en respirant à pleins poumons le bon air de la campagne qu’ils rectifient par les pesticides et autres engrais, désherbants, et toute cette belle chimie fine que nous avons le plaisir de déguster en mangeant notre ronron quotidien.

La Sécurité sociale paiera !

http://1jour1actu.com/planete/le-mot-du-jour-communication/

Pourtant, les agriculteurs d’aujourd’hui ne sont plus les péquenots d’hier. Souvent titulaires d’un bac + n, ils ont été formés en lycées agricoles, ont reçu des cours de gestion, gèrent leur travail sur Internet, sont au fait de ce qu’il se passe dans le monde, et ont choisi ce métier en toute connaissance de cause.

Alors ?

Il est vrai que le monde agricole est divers. Les trois « C » de la Beauce, de la Brie ou de la Picardie : Céréales, Courchevel, Cannes ne concernent que quelques très gros exploitants. Qu’ont-ils de commun avec les petits agriculteurs de montagne, avec les petites exploitations qui survivent dans le centre, en Bretagne ? Entre maraîchers et arboriculteurs ? Ces gens qui peuvent tout perdre sur une gelée tardive, un orage de grêle, et les viticulteurs de Bourgogne ou du Bordelais, achetés par des fonds de placements chinois, japonais, britanniques ou américains ?

L’esprit du Larzac n’a guère envahi les cervelles.

Par contre, les cours de la bourse, les placements juteux, les assurances, et une bonne partie de chasse entre notables venus de la ville, ça, c’est la belle vie.

Les rurbains leur permettent une retraite confortable en achetant leurs terres transformées en lotissements et leur piquent leurs mairies. Les vacanciers profitent des gîtes ruraux, des campings à la ferme. Faune urbaine colorée qui ne connaît rien à la culture et à l’élevage. Les autoroutes, les lignes TGV leur bouffent de l’espace, massacrent des exploitations, et ils voient des gens qui ne regardent même plus leurs vaches.

Mais paradoxalement, les français se souviennent plus ou moins qu’ils ont eu jadis des ancêtres paysans, même si ce n’est pas absolument vrai. A croire qu’ils ont été marqués à jamais par la fameuse trouvaille du vieux réac collaborationniste « La terre ne ment pas ».

http://paris.blog.lemonde.fr/2007/07/05/la-terre-se-meurt-un-film-alerte-de-jean-druon/

Elle ment si peu que ceux qui en vivent sont en train de la faire crever avant la Grande Désertification des prochaines décennies.

Elle leur dira alors combien les générations anciennes ont été d’une sottise égoïste assez extraordinaire.

Mais il est de bonne politique d’aller respectueusement en pèlerinage, quitte à se faire insulter, au Salon de l’Agriculture.